Castopod et l’environnement du podcast – épisode 1 – Y. Doghri et B. Bellamy – AD AURES

Interview avec l’équipe de Castopod

Walid : Bienvenue pour ce nouvel épisode de Projet Libre. Aujourd’hui, je suis très heureux parce qu’on va parler d’une plateforme de podcasting qui s’appelle Castopod avec son équipe de développement. J’en suis ravi puisque j’ai migré sur Castopod en fin d’année dernière.

Pour parler de Castopod, j’ai avec moi Yassine Doghri et Benjamin Bellamy que j’ai eu l’occasion de rencontrer, Benjamin à plusieurs reprises, et Yassine il n’y a pas très très longtemps. Donc écoutez, Yassine et Benjamin, bienvenue sur Projet Libre, j’espère que vous êtes en forme et que tout va bien.

Yassine : super, bonjour.
Benjamin : bonjour, merci.

Présentation de Benjamin Bellamy et Yassine Doghri

Walid : alors, première question, je vais vous demander de vous présenter et de nous expliquer comment vous en êtes arrivé à faire du logiciel libre. Benjamin, à toi l’honneur.

Benjamin : bonjour, donc je m’appelle Benjamin Bellamy, je suis ingénieur. Depuis une vingtaine d’années, j’ai mené des projets dans diverses industries telles que l’édition, la distribution de livres, les médias en ligne, la télévision, le commerce électronique.
Et je suis depuis toujours un ardent défenseur du logiciel libre et de l’open source et un amateur de podcast : ce qui fait que la route était toute tracée, j’ai envie de dire. Ça m’a amené à monter il y a quatre ans avec Yassine de la société Ad Aures, qui est une entreprise dédiée à la création d’écosystèmes équitables et durables pour l’industrie du podcast.

Walid : Yassine, de ton côté ?

Yassine : moi je m’appelle Yassine Doghri, je suis du coup ingénieur en informatique. J’ai cofondé, comme l’a dit Benjamin, Ad Aures avec lui il y a quatre ans et aujourd’hui je travaille en tant qu’architecte et contributeur principal sur Castpod, principalement. J’ai fait quelques autres projets pour Ad Aurès à côté. Voilà.

Walid : comment est-ce que tu as découvert le logiciel libre ?

Yassine : alors, comment j’ai découvert le logiciel libre ? C’est assez classique. Comme je suis développeur web, j’ai commencé à travailler sur des projets et beaucoup utiliser des projets, des outils open source du coup. Et donc, de fil en aiguille, petit à petit, j’ai commencé à comprendre les tenants et aboutissants du libre. Parce que c’est pas forcément l’open source, le libre. J’adhère quand même pas mal aux valeurs et c’est comme ça que j’ai découvert. J’ai eu la chance de travailler sur un projet open source et libre donc je suis très heureux aujourd’hui.

Walid : et toi Benjamin?

Benjamin : moi j’ai commencé l’informatique dans les années 80 sur MS-DOS 3, à une époque où on parlait franchement pas beaucoup et j’ai commencé à m’y intéresser, je pense, quand j’ai commencé à bosser en fait. J’ai commencé à travailler en 98 à l’époque on utilisait déjà le serveur web Apache, on utilisait déjà pas mal Linux et il commençait à y avoir des distributions qui à l’époque se targuaient d’être user-friendly, en particulier il y avait Red Hat qui bossait pas mal.
C’était aussi à cette époque-là qu’on a commencé à avoir les Mandrake et compagnie (NDLR : voir l’interview de Gaël Duval). Bon, ça restait user-friendly pour des gens qui savaient recompiler le noyau quand même, c’était pas encore le niveau d’utilisabilité qu’on connait aujourd’hui. Parce qu’aujourd’hui n’importe qui peut utiliser Linux. À l’époque c’était quand même un petit peu ardu, et en particulier pour faire tourner des services en entreprise, c’était assez compliqué. Mais ça marchait plutôt pas mal, c’était même plutôt stable. Et ça a été un peu une révélation de se rendre compte qu’à une époque où moi j’étais encore totalement formaté par l’époque un serveur Lotus Notes sur Red Hat et ça marchait super bien.

Walid : on a à peu près la même génération, à peu près la même génération tous les deux.

Benjamin : ouais on est vieux ouais.

Walid : avant de présenter Castopod je voudrais donner une petite anecdote très rigolote : quand j’ai commencé le podcast je ne connaissais pas Castopod. J’ai découvert Castopod en regardant une conférence que Benjamin avait faite au FOSDEM. Et au moment où je regardais la conférence, Benjamin avait écouté un épisode, il m’a contacté pour me dire « ouais c’est cool ton podcast». J’ai trouvé ça très très rigolo ». Voilà.

Benjamin Bellamy (source : benjaminbellamy.fr)

Benjamin : il n’y a pas de hasard.

Walid : voilà, et donc je me suis dit « putain, c’est con, je n’ai même pas cherché au moment de créer mon podcast une plateforme libre de podcasting ». J’avais quand même un peu honte.

Benjamin : alors non, c’est nous qui devrions avoir honte. Clairement, nous on est, je disais, on adore les podcasts et puis on est des ardents défenseurs du logiciel libre mais on n’est pas les meilleurs au marketing, on va pas se mentir. Parfois ça nous manque un peu. C’est pour ça aussi qu’on est très content que tu nous invites pour qu’on puisse parler de ce qu’on fait et puis faire découvrir au plus grand nombre nos solutions et comment est-ce qu’elles peuvent ou pas d’ailleurs les aider. On s’est rendu compte d’ailleurs en cherchant un peu tous les podcasts qui parlaient de logiciels libres qu’il y en a très peu qui utilisent Castopod, y compris ceux dont la création est postérieure à la création de Castopod.

Libre vs open source

Benjamin : Je voulais juste revenir rapidement parce que je pense que c’est pas mal de le faire en préambule : tu nous demandes comment on a découvert le logiciel libre et tu n’as pas parlé d’open source. Et je pense que c’est intéressant de faire la différence dans le sens où globalement aujourd’hui entre qu’est ce que c’est que l’open source, le logiciel libre, le gratuit, le freeware, on a tendance à mettre un peu tout ça dans le même sac c’est pas super important parce que très souvent les logiciels libres sont open source et ils sont gratuits, mais ça ne va pas forcément de soi dans l’autre sens. Et nous, on est défenseur du logiciel libre, pas nécessairement de l’open source.
Et je voulais profiter de cette occasion pour refaire un peu le point là-dessus parce que ça me parait quand même fondamental aujourd’hui, surtout quand on se dit défenseur du logiciel libre, de dire qu’est-ce que c’est. Le logiciel open source, pour commencer par ce qui est plus simple, ça veut juste dire que quand on distribue un logiciel, on le distribue avec son code source. Donc comment est-ce qu’il fonctionne, qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur. Ça ne veut pas du tout dire qu’il est gratuit. Typiquement, quand quelqu’un fabrique un site web, il va donner le code source qui souvent va être HTML et ce n’est pas pour ça qu’il est gratuit. Puisque libre, ça veut dire que j’ai le droit d’exécuter un programme pour l’usage que je souhaite.

On ne peut pas me dire, ça tu peux l’utiliser pour faire ça, mais pas pour faire ça. Je peux l’utiliser pour ce que je veux. Je peux l’étudier pour savoir comment il fonctionne et le modifier si j’en ai envie. Je suis libre de le redistribuer, c’est-à-dire de le modifier et de redistribuer les modifications que j’ai faites et du coup de l’améliorer pour en faire profiter tout le monde. Donc là où gratuit, tout le monde comprend ce que c’est, c’est qu’on ne paye pas. Open source, c’est qu’on a accès à comment est-ce qu’il fonctionne à l’intérieur, c’est aussi technique. Libre, c’est un peu plus philosophique, c’est vraiment une question de liberté. J’ai le droit de faire ce que je veux, ce que je veux dans les limites de la licence d’utilisation. Mais en tout cas j’ai le droit de l’utiliser pour ce que je veux, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer. Et ça c’est fondamental en particulier aujourd’hui où les questions de souveraineté numérique sont au centre de toutes les préoccupations, où on se pose beaucoup de questions sur « mais qu’est ce qu’ils font avec nos données ? où est-ce qu’elles vont ? à quoi ils s’en servent ? », et bien pouvoir étudier comment ça fonctionne et qu’est-ce qu’il y a derrière, c’est fondamental aujourd’hui. Alors pourquoi est-ce qu’il y a cette amalgame ?
Parce que très souvent un logiciel libre, enfin très souvent d’ailleurs je pense que c’est systématique, on a accès au code source. On voit difficilement comment est-ce qu’on pourrait faire un logiciel libre sans donner un accès au code source. Et de fait, à partir du moment où on a un accès au code source, on a tendance à dire du coup c’est gratuit puisque je peux le prendre, je peux le copier, je peux le modifier.
Alors il y a quand même des modèles économiques liés au logiciel libre et je pense qu’on en parlera dans le cadre de Castopod par la suite. Mais en tout cas ces trois notions qui souvent sont confondues en fait sont très différentes et c’est important, parce que c’est important aussi de comprendre pourquoi est-ce que nous on a voulu faire un logiciel libre. On n’a pas voulu faire un logiciel libre parce qu’on a voulu qu’il soit gratuit, on n’a pas voulu faire un logiciel libre parce qu’on a voulu que les gens puissent avoir accès au code source, même si ça passe par là, c’est parce qu’on estime que c’est primordial que les gens soient libres de publier leur podcast avec la possibilité de modifier, de savoir comment ça marche et de redistribuer s’ils font des modifs.

Présentation de Castopod

Walid : pour aller plus loin, vous pouvez écouter l’épisode avec Benjamin Jean et aussi l’épisode avec Raphaël Semeteys et Gonéri Le Bouder sur les modèles économiques du logiciel libre.
Maintenant j’aimerais bien que vous me présentiez Castopod. Qu’est-ce que Castopod ? Comment est née l’idée de faire Castopod ?

Benjamin : alors je suis ravi que tu me poses la question. Qu’est-ce que Castopod ? Alors il faut faire un petit préambule technique sur le podcast.
Qu’est-ce que c’est que le podcast ou le podcasting outre-Atlantique ? En fait c’est un mode de diffusion de fichiers multimédia essentiellement sonores. Ce que nous on appelle podcast, on a une définition technique, parce qu’on est ingénieur, c’est un fichier MP3 dans un flux RSS : c’est-à-dire la possibilité de publier des émissions sonores au format MP3 ou autre format sonore, d’ailleurs, via un fichier d’index qui va lister l’ensemble de mes épisodes, on parle d’émissions, d’épisodes, dans un fichier XML qui est un formalisme informatique pour lister un ensemble d’éléments. Quand on a dit ça, on n’a pas dit grand chose, si ce n’est que ça a plein d’implications. La première c’est que n’importe qui peut aujourd’hui, hier ou demain dire voilà je vais faire un podcast et je vais aller déposer sur un serveur mes fichier XML. Et les applications d’écoute, on en connaît plein, on connaît Apple Podcasts qui est la plus répandue historiquement, aujourd’hui il y a Spotify, il y a YouTube qui s’y est mis d’une certaine manière un peu bizarre, on pourra peut-être en reparler par la suite, il y a AntennaPod, PocketCast, Anytime, PodcastPlayer, Podfriend, Podverse, j’en cite quelques-uns dont des open source.

Logo antennapod

Et tous ces logiciels-là sont capables de comprendre le fameux fichier d’index, le flux RSS, et d’aller télécharger les fichiers MP3. Ce qui est très particulier sur le podcast et qui est très différent de l’internet qu’on a vu se développer depuis les années 2007, c’est que le podcast est décentralisé : c’est-à-dire que n’importe quel logiciel d’écoute peut aller chercher ses fichiers MP3 n’importe où. Donc je n’ai pas un silo fermé, je n’ai pas une plateforme fermée. Je suis dans un écosystème qui est totalement ouvert, totalement interopérable, où n’importe qui peut publier un podcast et n’importe qui peut lire un podcast. Pour autant qu’on parle le même protocole. On fait souvent la comparaison avec le SMS, où peu importe mon téléphone, mon opérateur, mon émetteur et mon récepteur, tout le monde peut s’échanger des messages.

Sur le podcast, c’est encore le cas. Ce n’est pas le cas, typiquement, si je suis sur YouTube : ma vidéo YouTube, je peux l’avoir que sur YouTube et pas ailleurs. Je suis dans un écosystème fermé. Donc le podcast est resté ouvert, ce qui veut dire commencer à choisir, si je suis podcasteur et que je veux publier un podcast, un hébergeur de podcast. Donc je peux choisir de l’auto-hébergé, je peux aller chercher une solution du marché. J’avais regardé il y a à peu près un millier d’hébergeurs de podcasts, ce qui est conséquent parce qu’ils ont tous la même valeur, c’est-à-dire que tous ces hébergeurs ont tous leur contenu qui vont arriver dans Apple Podcasts, dans Spotify exactement de la même manière. Il n’y en a pas un qui va être plus ou moins visible qu’un autre. Parmi ces mille, il y en a quand même une centaine qui sont plus gros que les autres. Mais c’est un passage obligé. C’est-à-dire qu’il faut que je commence par trouver un hébergeur et que je lui confie mes fichiers MP3. Il va en faire un index, un flux RSS, et c’est ce flux RSS que je vais aller après confier à toutes les plateformes des cas.

Castopod est une plateforme d’hébergement de podcast, donc il y a une interface sur laquelle je vais pouvoir définir le nom de mon podcast, sa description, la langue que j’utilise pour m’exprimer, éventuellement la catégorie, est-ce que je parle de religion, de news et technologies, est-ce que c’est pour les enfants. Je vais, après, publier des épisodes. Pour chaque épisode je vais mettre un fichier MP3, je vais pouvoir mettre une image, une description, une date de publication. Je vais pouvoir dire est-ce que je publie toutes les semaines, en série, il y a tout un tas de paramètres. Et Castopod va générer ce fameux flux RSS qui fait que mes épisodes vont apparaître sur l’ensemble des plateformes où je souhaite être référencé. C’est moi en tant que podcasteur qui décide où je suis écoutable, où l’on peut m’écouter. Si je n’ai pas envie d’être sur Apple Podcast, je peux très bien ne pas y être. Si je veux, je peux y être et donc je vais choisir les plateformes sur lesquelles je veux être entendu.

Pourquoi est-ce qu’on a développé Castpod ? Parce qu’en fait, nous on travaillait déjà dans le podcast et pour tout un tas de raisons, on faisait des tests et on avait besoin de faire des tests sur un certain nombre de podcasts. Et du coup, on cherchait une solution open source d’hébergement de podcasts parce qu’on ne voulait pas, quand on faisait un test sur 12 podcasts, payer 12 abonnements chez un hébergeur professionnel qui fait payer podcast par podcast. On a fait une petite liste de prérequis, de choses dont on avait besoin. Et puis on s’est dit, il nous faudrait une solution open source parce qu’on veut pouvoir faire ce qu’on veut, on voudrait qu’elle ait tel et tel critère. Et puis on a commencé à chercher, à regarder un petit peu partout sur les sites qui référençaient des solutions open source, des solutions de podcast, et puis pour choisir la solution qui répondait à tous nos prérequis. Et on n’en a pas trouvé. Et il s’en est fallu de beaucoup : c’est-à-dire que globalement on avait une dizaine de points, on en a trouvé une qui cochait 2-3 cases, mais on était très très loin du compte. Donc on était un peu déçu forcément, on a utilisé une solution qui existe encore qui s’appelle Podcast Generator, parce que c’est du PHP, il n’y a pas de base de données, c’est très simple, le code est très vieux, c’est pas du MVC, c’est très vieillissant, mais bon on l’a utilisé tant bien que mal. Et puis un jour, je pense que c’était au festival Pas Sage en Seine à Ivry-sur-Seine, j’ai rencontré Ludovic Dubost de XWiki, à qui j’ai parlé de ça et à qui j’ai évoqué ma wish list. Il m’a dit « Ah mais il y a une entreprise, une société qui s’appelle NLNet qui subventionne des projets avec des financements européens, des subventions européennes, pourvu que ce soit open source et en plus ils sont très moteurs sur tout ce qui est Fediverse / ActivityPub« . Il se trouve que nous on voulait une plateforme de podcast sur le Fediverse, on en reparlera par la suite je pense, et il a dit « bah fait un dossier d’une dizaine de pages et notre projet a été accepté ». On a obtenu une subvention d’à peu près 40 000 et quelques euros, ce qui n’est pas rien. Ce qui est très loin du coup que représente le développement de la plateforme aujourd’hui, mais c’est quand même pas rien du tout.

NLnet fondation


Et surtout, ça nous a conforté dans l’idée qu’il y avait un besoin, qu’il y avait une place, que ce n’était pas normal qu’il n’y ait pas de plateforme open source d’hébergement de podcast qui répondent aux critères fonctionnels et techniques qu’on a le droit d’attendre aujourd’hui. Et que si un organisme européen était prêt à le financer à hauteur de 40 000 euros, eh bien c’est qu’il y avait vraiment un truc à faire. Et ce n’est pas tant le montant de la subvention qui nous a convaincus que le fait qu’il y a des gens qui attendent après. Et c’est comme ça qu’est né Castopod. Donc ce qui au départ était juste une wish list (NDLR : liste de souhaits) est devenu un side project (NDLR : un projet en parallèle) et puis est aujourd’hui un projet à part entière auquel on consacre énormément de temps, d’énergie, de passion, de sang et de sueur.
Et on est super content de l’accueil qu’il a reçu et du fait que des gens l’utilisent. Et à ce titre, je tiens à te remercier doublement de nous avoir invités et d’utiliser Castopod.

Walid : Yassine, est-ce que tu veux rajouter des choses?

Yassine : tu l’as évoqué pour le Fediverse, mais le point je pense différenciant de Castopod, c’est quand même qu’il est connecté au Fediverse. C’est à dire que c’est intégré dans un réseau social qui est fédéré. Castopod intègre un réseau social fédéré. Mais voilà les autres hébergeurs, il n’y en a aucun aujourd’hui qui est en plus intégré aux Fediverse.

Les technologies qui propulsent Castopod

Walid : ce que j’aimerais maintenant qu’on aborde c’est les technologies que vous utilisez dans Castopod. Techniquement, de quoi est composé Castopod ? Yassine, tu veux en parler ?

Yassine : Castopod est basé sur un framework PHP qui s’appelle Codeigniter. Il n’est pas très connu, mais c’est du même style que Symfony ou Laravel, bien que ce soit un peu plus performant, un peu plus léger. Donc, on s’est basé sur ça. Ça permet de développer des applications web assez habilement, du coup c’est top à prendre en main.

Logo Framwork PHP CodeIgniter

Et du coup, c’est une application web, donc PHP, MySQL, HTML, CSS, JavaScript, ce qui est le plus classique. Sachant qu’on s’est calqué sur WordPress, le modèle WordPress, à savoir qu’aujourd’hui 70% des sites web sont sur du PHP, et pas mal beaucoup de WordPress aujourd’hui sur internet. Et donc on a tenu à garder un peu cette idée là c’est que aujourd’hui Castopod peut être installé sur un hébergement mutualisé donc à quelques euros par mois et donc ça permet à des utilisateurs qui voudraient avoir un petit Castopod à eux de le faire sans problème.

Benjamin : je voudrais juste rajouter, quand on a développé Castopod, on s’est vraiment calqué sur le modèle de WordPress, que ce soit le modèle économique ou le modèle technique : c’est-à-dire que Castopod, ça se télécharge en un clic depuis castopod.org, et c’est un fichier zip, et vous dézippez le fichier zip chez votre hébergeur, Yassine le disait, ça peut être un hébergement mutualisé.

Et puis vous suivez un wizard, un assistant. Vous allez devoir remplir très classiquement les infos de base de données, deux, trois bricoles, le nom de votre instance, etc. Et ça fonctionne. L’idée c’était de rester le plus facile et le moins coûteux à déployer. Bien entendu, aujourd’hui on peut utiliser du Docker, du Kubernetes, du Ansible, du Yunohost. Il y a plein de manières de déployer Castopod, mais il y a toujours la possibilité de dézipper, installer et ça marche.

Et ça, sans avoir besoin d’avoir une grosse machine virtuelle. Si j’ai du PHP MySQL, ça va fonctionner.

La licence de Castopod

Walid : question licence. Quelle licence vous utilisez et pourquoi vous avez pris cette licence là ?

Benjamin : alors on est sous licence AGPL V3, on s’est reposé la question avant d’enregistrer ce podcast et on s’est dit peut-être que c’était par ordre alphabétique parce que AGPL c’était la première. Plus sérieusement en fait, nous comme on vous le disait, on aime bien les logiciels libres, le logiciel libre, c’est même un euphémisme.

Donc on voulait une licence virale et puis on a été aussi guidé par NLNet. La plupart des logiciels du Fediverse aujourd’hui, que ce soit Mastodon, PeerTube, sont sous licence AGPL. En fait, on ne s’est pas posé la question très longtemps, c’est-à-dire qu’on ne s’est pas fait vraiment de nos cerveaux

Benjamin Bellamy

En gros, de toute façon, aujourd’hui, quand on a un logiciel serveur c’est soit GPL soit MIT. On penchait plutôt pour GPL et puis NLNet nous a un peu conforté dans cette idée là. C’est un choix qui s’est fait assez naturellement. Peut-être qu’on ne s’est pas posé suffisamment de questions, en tout cas aujourd’hui on est plutôt content de cette licence. Je pense qu’elle est conforme à nos valeurs.

Walid : je ne savais pas qu’NLnet finançait des projets dès la création du projet. Ça m’inspire qu’il faut vraiment faire un épisode sur les financements européens parce que là il y a vraiment beaucoup de choses à dire.

Benjamin : alors NLnet finance des projets dès le début. Il finance des projets pour les entreprises, pour les particuliers. Donc je n’ai pas besoin d’avoir un SIRET d’auto-entrepreneur pour obtenir un financement NLnet. Il faut le savoir, si je suis tout seul à développer un logiciel, je peux très bien aller les voir. Les dossiers sont à déposer une fois tous les deux mois et en fonction de leur charge de travail, ils répondent soit très vite, soit un peu moins vite.

Et point important, le paiement se fait exclusivement à la livraison du code source.

Présentation d’Ad Aures

Walid : on en parle dans l’épisode sur Peertube. Ok, on a commencé à l’évoquer au tout départ maintenant, passons à la présentation d’Ad Aures. Là ça m’intéresserait que vous présentiez un petit peu votre compagnie, qu’est-ce que, qu’est-ce que, quelles sont vos activités, qu’est-ce que, qu’est-ce que vous faites sur Ad Aures ?

Logo Ad aures

Benjamin : bien sûr, donc comme je le disais tout à l’heure, Ad Aures c’est une entreprise dédiée à la création. Nous, on aime beaucoup le podcast déjà parce qu’on en est consommateur, on aime beaucoup le podcast parce que c’est un écosystème qui est décentralisé, sur lequel tout le monde peut intervenir, ce qui n’est pas le cas dans d’autres écosystèmes. Pour autant, c’est compliqué d’en vivre. C’est simple, je me crée mon compte et puis j’ai plus qu’à suivre. Dans le podcast, déjà il faut que je trouve un hébergeur, si je veux monétiser, il y a plein de solutions. Est-ce que je veux faire de la pub ? Est-ce que je veux aller sur une plateforme de financement ? Est-ce que je veux du tipping ? est-ce que… Et tout est possible. Et déjà c’est pas forcément évident à comprendre et puis du coup on a plus de mal à se raccrocher à des success stories. Et l’idée d’Ad Aures c’était de dire aujourd’hui il y a cet écosystème fabuleux avec cette richesse de contenu qui est incroyable parce qu’il y a aussi une liberté de ton, de format, de langue qu’on retrouve nulle part ailleurs du fait que je peux changer d’hébergeur quand je veux et garder mon audience. Mon audience peut changer de logiciel d’écoute et continuer à m’écouter. Enfin, l’interopérabilité vraiment joue à plein. Mais quand on a dit ça, on n’a pas payé son loyer. Et créer du contenu, on peut créer du contenu de qualité gratuitement parce que c’est sa passion sur son temps libre, mais ça veut dire que sur mon temps pas libre, il y a quelqu’un qui va me payer un salaire et un loyer.

Donc au bout de la chaîne, il y a forcément quelqu’un qui paye. Et tant qu’à faire, il y a des gens qui veulent monétiser leur contenu directement et on pense que c’est tout à fait normal et même louable. Il faut leur offrir des solutions. Et donc nous, on a la prétention de proposer en particulier une solution, c’est pas la seule, il y en a plein d’autres, et encore une fois on trouve que c’est très très bien qu’il y en ait plein, qui est une solution de monétisation publicitaire, qui ne se base pas sur le profilage des utilisateurs, qui n’utilise pas de cookies, alors de toute façon il n’y a quasiment pas de cookies dans l’écosystème du podcast, du fait que les gens utilisent des logiciels dédiés, qui sont nombreux et multiples, mais qui va se baser sur de l’indexation sémantique. Donc en fait, parmi les outils qu’on a développé et sur lesquels on travaille, il y a un moteur d’indexation sémantique qui permet d’étudier des contenus et de comprendre quels sont les concepts évoqués. Je parle vraiment de concept, pas de mots-clés. Pour derrière faire de l’indexation et de la recommandation. C’est-à-dire par calcul de distance sémantique, on est capable de dire que tel contenu est proche d’un autre parce que les sujets sont connexes, parce qu’ils sont proches, il y a plein de raisons possibles. Donc évidemment, ça utilise beaucoup de l’intelligence artificielle.

Et on peut utiliser ça soit pour faire de la découvrabilité, ce qui est une des problématiques fortes dans l’écosystème du podcast, soit pour faire de la publicité, c’est-à-dire recommander des objets publicitaires, des produits publicitaires qui sont directement liés au contenu que je suis en train d’écouter. Et on a pas mal d’opérations de tests à différents degrés de complétude d’ailleurs là-dessus, qui permettent de faire de la pub. On travaille beaucoup en mode affiliation parce qu’on trouve que ça marche vraiment pas mal, en particulier sur le podcast qui est un produit hautement culturel et puis ça permet aussi que ce soit le contenu qui aille chercher la publicité et pas la publicité qui aille chercher le contenu, ce qui est un peu le mode de fonctionnement usuel qu’on a sur internet aujourd’hui. Je ne vais pas rentrer trop dans le détail mais aujourd’hui on développe des outils pour les podcastrices et les podcasters qui leur permettent de répondre à l’ensemble des problématiques qui peuvent se poser, dont la modernisation, qui nous semble être quand même le nerf de la guerre, quelque part. Et bien sûr, tout ça fonctionne avec Castopod, qui est la plateforme d’hébergement, qui est le premier maillon de la chaîne.

Walid : pour continuer, c’est comprendre à la fois votre positionnement par rapport aux autres, donc ça tu viens un peu de le donner, c’est-à-dire comment est-ce que vous vous différenciez par rapport aux autres, qu’est-ce que vous apportez qui est différent, qui fait que les gens vont avoir envie de travailler avec vous. Et puis après derrière, ce que j’aimerais bien qu’on aborde aussi après, c’est un peu votre contribution au secteur du podcasting. Qu’est-ce que vous portez comme valeur, comme attente, etc ? Que vous mettez en avant?

Benjamin : ça rejoint ce qu’on disait en introduction, c’est-à-dire que nous, on est vraiment convaincus que le podcast doit rester libre et doit rester décentralisé. On n’a vraiment pas envie que le podcast se referme en silo fermé. Et aujourd’hui, il y a un vrai risque. Et pour ça, l’angle qu’on a pris, c’est un angle fonctionnel, c’est-à-dire qu’on essaye de fournir des réponses fonctionnelles aux problématiques des créatrices et des créateurs de contenu qui fonctionnent dans un monde décentralisé, dans un monde ouvert. Là où aujourd’hui YouTube a ouvert sa plateforme au podcast, c’est-à-dire que vous pouvez aller sur YouTube Creator et puis saisir l’adresse de votre flux RSS et votre podcast va être injecté dans YouTube et derrière vous aurez accès à toutes les fonctionnalités de YouTube.

J’ai aucun problème avec ça, je trouve ça très bien tant que YouTube n’a pas le monopole du podcast. Et on sait que s’il n’y a pas d’alternative à la monétisation, s’il n’y a pas d’alternative à comment est-ce que je vais pouvoir améliorer ma découvrabilité, fatalement c’est ce qui va se passer. Donc pour nous il est primordial de fournir des réponses fonctionnelles alternatives à YouTube. Quand vous rentrez votre podcast dans YouTube, il y a des infos qui rentrent, il n’y a rien qui ressort de YouTube. Si vous créez votre podcast depuis YouTube, il ne sera pas accessible vers d’autres podcasts. YouTube, c’est un trou noir en fait.

Il y a des choses qui rentrent, mais il n’y a rien qui en sort. Ils aspirent la valeur, mais ils ne la repartagent pas. Ils ne repartagent pas les informations, ils ne repartagent pas les contenus. YouTube en tant que société d’ailleurs ne crée aucun contenu, ils décident de ce que vous avez le droit de dire, ce que vous n’avez pas le droit de dire, si vous avez le droit de dire des gros mots ou pas, littéralement, mais eux ne créent rien, ils sont juste là en tant qu’arbitre et en tant que fournisseur fonctionnel d’un certain nombre d’outils. Encore une fois, je n’ai aucun problème avec ça tant qu’ils n’ont pas le monopole et que ça laisse un choix pour pouvoir s’exprimer parce que si j’ai envie de dire quelque chose qui ne leur convient pas, qui contrevient à leur condition générale d’utilisation, que je puisse le dire ailleurs parce que YouTube c’est pas la loi, les CGV c’est pas la loi, la loi c’est autre chose. Et donc pour nous c’est primordial de conserver un écosystème décentralisé où il va y avoir une libre concurrence au sens capitalistique du terme, c’est à dire que différentes sociétés, différents acteurs vont pouvoir proposer des solutions, mais encore faut-il qu’ils en proposent des solutions. Donc nous c’est vraiment ça ce qu’on veut faire, c’est pour ça qu’on propose des solutions de monétisation, parce qu’on sait très bien qu’on pourra proposer la meilleure plateforme de la planète si le prérequis c’est de devoir bosser gratos, ça ne va pas marcher pour tout le monde. Si les fonctionnalités ne sont pas terribles, ça ne va pas marcher pour tout le monde. Et c’est là où on s’investit beaucoup et où on investit beaucoup de temps et d’énergie.

Je pense que c’est le bon moment pour parler de Podcast 2.0, en tout cas pour l’introduire, parce que ce dont il faut avoir conscience quand on parle du podcast aujourd’hui, c’est que pendant une quinzaine d’années, tout l’écosystème du podcast s’est reposé intégralement sur Apple.

Apple a littéralement tenu le podcast à bout de bras pendant 15 ans, c’est-à-dire qu’ils avaient à peu près le seul index de podcast, le seul annuaire de podcast, ce qui fait que l’ensemble des applications d’écoute dépendait d’Apple pour avoir la liste des podcasts qui existent.

Benjamin Bellamy

Ils étaient très largement majoritaires : ce qui est assez saugrenu en fait, avoir un écosystème totalement libre, ouvert et décentralisé, sur lequel on a un acteur qui a des parts de marché très supérieures à la moitié. Mais ils n’en ont tiré aucun profit financier, et ça il faut leur en savoir gré. Ils ont maintenu le truc à flot, c’est-à-dire qu’ils ont continué à faire vivre l’index, à filer des clés d’API aux gens qui le demandaient. Alors il fallait demander l’autorisation, mais bon, en tout cas ils le faisaient et ils le donnaient. C’est eux qui décidaient qui avait le droit de lecture et d’écriture sur l’index, mais ils l’ont fait gratuitement.
Le problème, c’est que pendant 15 ans, quand on voulait apporter une évolution fonctionnelle au podcast, il fallait demander à Apple, puisque c’est eux qui avaient l’index, qui étaient au centre. Et que si je veux rajouter une fonctionnalité, il faut que je puisse le mettre dans le flux RSS, et du coup il faut que ça soit référencé dans l’index central d’Apple. Et si Apple ne veut pas, je pourrais mettre ce que je veux, personne ne pourra le voir et ça ne servira à rien. Et Apple a refusé toute évolution fonctionnelle sur le podcast pendant 15 ans. Quand je dis toute, ce n’est pas presque toute, c’est toute. Il y a eu zéro évolution fonctionnelle sur le podcast pendant 15 ans. Ce qui est tout à fait incroyable parce qu’on parle d’une période qui va de 2000 à 2015, un peu après même. En cette période, il s’en est passé des choses et un paquet même sur internet et le podcast a eu aucune amélioration, aucune évolution fonctionnelle. Vous prenez un podcast de 2000, un podcast de 2018, c’est exactement le même. Pour garder le contenu du flux RSS il n’y a eu aucune modification, il n’y a même pas eu ne serait-ce qu’une nouvelle catégorie. Il y a des gens qui ont dit ça serait bien d’avoir une catégorie pour l’écologie. Apple a dit NON, on touche à rien. Donc aujourd’hui, si vous faites un podcast d’écologie, vous n’avez pas de catégorie, ce qui est un peu ballot parce qu’il y en a un paquet aujourd’hui.
Et donc ce qui s’est passé, c’est qu’en 2019, si je ne dis pas de bêtises, Adam Curry, qui est un des pionniers du podcast, que ce soit techniquement ou sur le contenu (c’est un des podcasteurs de la première heure) en a eu marre et il a décidé de créer Podcast 2.0, c’est-à-dire une spécification qui permette au podcast d’évoluer, adossée à podcastindex.org, qui est un index de podcast pour dire « bon, il ne faut plus qu’on dépende d’Apple, il faut qu’on ait un index qui soit open source, open data, ouvert en lecture et en écriture à tout le monde sans avoir besoin d’en demander l’autorisation et dans lequel on puisse rajouter des informations pour pouvoir rajouter des nouvelles fonctionnalités ».

Logo Podcast Index
Podcast Index (source : github)

Quand je parle de fonctionnalités, ça peut être des trucs très simples, ça peut être des trucs très compliqués, ça peut être de la transcription, du chapitrage, des liens, des noms des intervenants, de la géolocalisation, enfin ça peut être tout ce qu’on peut imaginer mais ce qui est important c’est que Podcast 2.0 est ouvert à tous et n’importe qui peut dire « Moi, j’aimerais bien cette fonctionnalité-là. J’aimerais bien qu’on puisse rajouter ça. »

Ce qui est franchement incroyable, c’est que quand nous on a commencé à développer Castopod, c’était juste avant la sortie de Podcast 2.0 et de Podcast Index. Donc on avait pour projet de développer une plateforme de podcast qui soit liée à ActivityPub, en sachant que ce n’était pas gagné parce qu’on allait créer notre plateforme d’hébergement, des gens allaient pouvoir se connecter à ça via ActivityPub, on pense à Mastodon etc. qui existait déjà depuis, enfin qui était déjà populaire depuis deux ans. Mais pour le reste, pour les autres, pour les applications d’écoute de podcast, on n’avait pas de légitimité, pas d’ancienneté, une voix qui ne porte pas. Il y avait peu de chances que des gens adhèrent. Et Podcast 2.0 a été pour nous un formidable tremplin, une espèce de mégaphone, parce qu’une des premières choses qu’on a faites, on a dit que ça serait bien qu’on puisse rajouter dans le flux RSS la possibilité de faire un lien vers la conversation, en particulier si elle a lieu sur le Fediverse, d’ActivityPub, pour que les applications d’écoute sachent où a lieu cette conversation. Et ça a été intégré et aujourd’hui on a des applications d’écoute, de gens qu’on ne connaît pas du tout, mais qui ont implémenté cette fonctionnalité-là que nous on avait demandé.

Photo Adam Curry
Adam Curry (source: wikipedia)

Walid : Quand vous avez commencé, comment est-ce que vous avez contacté Adam Curry ? Par quelle plateforme vous passez ? Comment ça s’est passé en fait pour vous insérer dans cet écosystème naissant ? Je voudrais bien que vous nous expliquiez un peu ça.

Yassine : en fait ce qui s’est passé c’est que la chance qu’on a eu c’est qu’on est arrivé, on a commencé à développer Castpod au moment où Podcast 2.0 et Podcast Index sont arrivés. Donc il y a eu vraiment un alignement des planètes qui s’est fait au bon moment. On a commencé à développer Castpod en mai 2020, enfin rentrée 2020 quoi. C’était vraiment…

La présentation de Podcast 2.0

Walid : attends, je vais justement poser une question là-dessus parce que c’est une transition, vu cette temporalité, est-ce qu’une des vocations de Castopod était aussi d’être un espèce d’état de l’art de ce qu’allait se passer dans le Podcasting 2.0 ?

Benjamin : a posteriori, oui. Je sais pas si on s’en rendait compte sur le moment. Nous on partait du principe que Podcast 2.0, c’était génial. On n’aurait pas pu rêver mieux, on aurait voulu le faire, mais on n’avait pas la légitimité d’un Adam Curry, clairement. Et là où c’est vraiment génial, c’est qu’en moins de six mois, on s’est retrouvé avec une quarantaine de plateformes, hébergeurs, applications d’écoute, qui suivaient Podcast 2.0. En fait, avant Podcast 2.0, il y avait aussi un problème d’œuf et de poule. Si moi, je rajoutais une fonctionnalité en tant qu’hébergeur et qu’aucune application d’écoute ne l’intègre, et bien ça sert à rien. Et de l’autre côté, si en tant qu’application d’écoute j’intègre une fonctionnalité mais que personne ne fournit les informations côté hébergeur, ça sert à rien. Et du coup tout le monde se regardait un peu en chien de faïence et personne faisait le premier pas, personne se mettait d’accord. Évidemment, il y a plein de fonctionnalités qui étaient dans l’air, les gens les réclamaient. Je pense à Giovanni de Podcloud qui avait écrit déjà des spécifications techniques en disant il faudrait faire ci, il faudrait faire ça. Tout seul ça ne peut pas marcher. Le coup de génie de Podcast 2.0, c’est d’avoir une voix audible par tout le monde, qui mette tout le monde d’accord et qui dit bon ben voilà, on va tous faire ça.

Walid : Il est indépendant de tout le monde finalement?

Benjamin : en fait il y a plein de choses. Il y a le fait que déjà Adam Curry était connu, il avait la légitimité en tant que podcaster, il avait développé le premier index de podcast dans les années 2000, il y a plein de choses. Et puis le fait qu’il arrive en disant « la gouvernance à la Apple où tout le monde demande à une personne et cette personne se contente de dire non à chacune des demandes, c’est pas super encourageant ». C’est à dire qu’à un moment les gens finissent par se lasser évidemment. Donc là l’idée aussi c’était de dire « on va faire un projet communautaire et participatif » et donc pour répondre à ta question comment est-ce qu’on demande l’ajout d’une fonctionnalité dans Podcast 2.0 ? En fait ça se fait sur GitHub, ça se fait de manière ultra classique comme on demanderait une nouvelle fonctionnalité sur n’importe quel projet. Et après, il y a des espèces de sprints, je ne sais pas si le mot est le plus adapté, mais en tout cas, ça ressemble à un sprint qui ont lieu tous les mois, tous les deux mois, tous les six mois, en fait, ça dépend, où on valide. Il y a des allers-retours qui sont faits, il y a des gens qui disent « Ah, mais ça, ça serait mieux de rajouter tel truc. Il faut que telle fonctionnalité, elle soit au niveau du podcast, au niveau de l’épisode, au niveau des deux, il faudrait que ce soit une chaîne de caractère, un entier ». Cela peut être très technique, ça peut être très fonctionnel. Parfois, il y a plein de gens qui répondent, qui se sentent impliqués, parfois tout le monde s’en fout, ça dépend vraiment de ce qu’on a à proposer. Il y a des no-brainer, typiquement, avoir de la transcription dans le podcast pour permettre une meilleure accessibilité, un meilleur référencement, une meilleure découvrabilité. Ça me paraît évident qu’il faut le faire et donc ça, ça a été fait très très vite. Et aujourd’hui, il n’y a que les plateformes Podcast 2.0 qui proposent ça. Incroyable, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, vous écoutez un podcast sur Apple Podcast, vous êtes sûr, il n’y aura pas de sous-titres, il n’y aura pas d’indexation du contenu du podcast. C’est impossible parce que Apple aujourd’hui n’intègre pas de fonctionnalité Podcast 2.0, ce qui moi en tant qu’auditeur me fait dire, « n’utilisez pas Apple Podcast. C’est juste la plateforme la plus arriérée de tout l’écosystème du podcast aujourd’hui ».

Walid : je vais donner un exemple parce que j’ai découvert quand j’ai migré sur Castopod, j’ai découvert une fonctionnalité qui s’appelle la gestion des intervenants, les « people ». Il y a toujours la problématique de, OK, moi, je suis l’hôte du podcast, il y a les intervenants, mais possiblement, j’aimerais bien remercier d’autres gens, en fait, ou citer d’autres gens qui m’ont mis en relation, qui ont aidé à partager l’épisode, etc. Et en fait, j’ai découvert que vous, vous implémentiez une gestion des intervenants et donc que sur un intervenant, je peux mettre un lien vers LinkedIn ou etc. Et qu’en fait là on se retrouve aussi face à l’implémentation dans les applications clientes où typiquement, je sais pas moi, Podcast Addict va implémenter cette partie de Podcasting 2.0 et donc tu peux voir, et c’est cool les intervenants, mais que si j’utilise AntennaPod qui est mon player habituel, lui il le voit pas. En tant que créateur, tu as à ta disposition des supers outils, mais ils ne sont pas tout le temps disponibles pour ton utilisateur qui va utiliser. C’est un peu con.

Benjamin : oui, tout à fait. Alors en fait, ce qu’il faut bien voir, c’est que les fonctionnalités, c’est comme tout, mais c’est pas propre au podcast.

Tout le monde n’utilise pas toutes les fonctionnalités, tous les logiciels ne les implémentent pas. Et c’est tout à fait normal. Et puis même, et ça c’est voulu, il y a des fonctionnalités de Podcasting 2.0, on est à peu près sûr au moment où elles sortent qu’elles ne vont pas faire l’unanimité. Mais c’est voulu, c’est-à-dire qu’on ne peut pas présager du succès d’une fonctionnalité par rapport à une autre, parce qu’à l’arrivée, l’adoption, c’est les auditeurs qui décident, c’est les podcasteurs qui décident, et ce n’est sûrement pas les gens qui sont autour de la table dans la communauté podcast 2.0 au moment où on dit « ah ben tiens, ça serait bien de faire ça ». Après, le spectre fonctionnel des applications, il change de l’une à l’autre. C’est pour ça aussi qu’en tant que podcaster, on a une responsabilité de dire à ses auditrices et auditeurs d’utiliser plutôt telle appli, parce que là, vous aurez plus d’infos qu’ailleurs. Et des fonctionnalités, il y en a pour gérer aussi le don, le funding, l’argent, il y en a pour… Peut-être il y a plein de choses.

Il y en a qui vont gérer la transcription en l’affichant en mode sous-titres, il y en a qui vont la gérer en l’affichant en mode texte défilable. Après, chacun a ses besoins, ses prérequis. C’est ça qui est génial sur le podcast, c’est qu’il n’y a pas une bonne manière de faire, il y a plein de manières de faire qui sont plus ou moins adaptées par rapport au contenu et par rapport à l’auditeur.

Walid : Yassine, je voulais poser une question : est-ce que vous vous avez contribué à ces fonctionnalités, ces nouvelles fonctionnalités podcasting 2.0 et si oui sur lesquelles vous avez contribué ?

Yassine : alors oui, surtout au début on avait pas mal de retours à faire sur les différentes specs qui étaient implémentées, les différentes balises RSS qui étaient implémentées.
À chaque fois, on a des discussions avec Benjamin pour savoir ce qui était le mieux déjà et pour nous, pour Castopod, et ensuite en s’inscrivant dans l’écosystème du podcast.

Benjamin : En fait, c’est plutôt moi qui suis intervenu directement sur Podcasting 2.0, en tout cas sur les demandes. Donc je disais, il y a tout ce qui est « social interact », c’est-à-dire la possibilité en tant qu’auditeur de pouvoir interagir avec le podcaster depuis l’application d’écoute. On a pas mal bossé aussi sur la recommandation.
Donc ça c’est un travail qui est encore en cours. Régulièrement on donne nos avis et en fait tout ça est consultable, soit sur GitHub, soit sur Mastodon. En général ce qui se passe c’est que les discussions commencent sur Mastodon, quelqu’un dit « ah bah tiens j’aimerais bien faire ça » et puis en fonction de l’écho qu’il y a, ça va être… Soit les gens disent « ouais, c’est une super bonne idée » ou soit « non, je ne comprends pas » ou « c’est une idée nulle ».

Et en fonction des réponses, eh ben, ça va donner lieu à une nouvelle demande sur GitHub. Et à la fin, ça donne lieu à une spécification dans la DTD, le namespace de Podcasting 2.0. On ne l’a pas dit, mais à l’arrivée, tout ça, c’est ni plus ni moins qu’une DTD sur un namespace.

Walid : Et ces spécifications, elles sont portées par un organisme comme le W3C ou est-ce qu’il y a une norme ou est-ce que c’est juste un projet communautaire ?

Benjamin: aujourd’hui c’est un projet qui est purement communautaire et qui est régi par les règles de la communauté. Il n’y a pas une personne qui dit ça oui, ça non. C’est l’ensemble de la communauté qui décide de ce qui peut exister et de ce qui va exister.

Yassine : donc c’est Adam et Dave (NDLR Dave Jones) qui sont à l’origine du projet Podcast Index et c’est Dave qui prend la responsabilité de gérer les différents sprints etc d’inclure en fonction de dires de la communauté ce qui devrait être en priorité ou pas etc. Donc c’est lui qui gère le planning du projet.

Benjamin : il a un rôle de secrétaire plus qu’un rôle de chef de projet. Il est là parce qu’il faut que quelqu’un fasse avancer la machine et puis qu’il dise, bon ben voilà, on va fermer pour ce sprint-là, on va fermer à telle date. Derrière, c’est pas lui qui prend la responsabilité de ce qui rentre ou de ce qui rentre pas. Il est animateur.

Walid : Dernière question sur le sujet de Postcasting 2.0. C’est une question qu’on a déjà discuté ensemble. On parlait du chapitrage et vous me disiez « Ah ouais, le chapitrage, en gros, on l’a implémenté dès que c’est sorti, on n’est pas trop revenu dessus, etc. » Mais c’est un truc qu’on a implémenté dès que c’est sorti. Donc ma question c’est, quand est-ce que vous implémentez les nouvelles fonctionnalités, est-ce que vous implémentez toutes les nouvelles fonctionnalités de Podcasting 2.0 ? Comment vous faites un choix de ce que vous désirez implémenter ou pas ? C’est basé sur quoi ?

Benjamin : il n’y a pas de réponse simple à ça. Ça dépend vraiment. C’est pas qu’il n’y a pas de réponse simple, c’est qu’il n’y a pas de réponse unique. Ça dépend vraiment. C’est sûr qu’une fonctionnalité que tout le monde nous demande, elle a de fortes chances d’être implémentée plus vite que quelque chose dont personne n’a rien à faire. Et en général, c’est comme ça que ça se passe. Ça peut être un choix personnel parce qu’on pense que ça c’est bien ou parce que parfois il y a des trucs qui nous font kiffer.
Il y a des fonctionnalités qu’on trouve plus intéressantes que d’autres. Je pense en particulier à la géolocalisation. Moi, je trouvais ça génial de pouvoir, dans les années 2000, où on a tous l’habitude d’utiliser OpenStreetMap ou Google Maps, de pouvoir chercher des podcasts par zone géographique, de dire un tel podcast parle de tel endroit. Il y a beaucoup de podcasts touristiques par exemple, et ne pas être capable aujourd’hui de faire une recherche géolocalisée sur un contenu, je trouvais ça complètement fou.
Dès que la spec est sortie, en plus ça n’était pas très compliqué, on a implémenté ça. C’est-à-dire la possibilité de dire tel épisode parle de tel endroit, ou tel podcast parle de tel endroit, et derrière sur Castopod, on a mis une carte où on va avoir des pinpoints (NDLR : des points sur une carte) pour pouvoir visualiser quel épisode parle de quelle zone géographique. Et ça, dans mon souvenir, en tout cas, c’est un truc, je trouvais ça tellement chouette de pouvoir le faire. Et puis derrière, d’ailleurs, dès que ça a été implémenté, il y a quelqu’un qui m’a dit « Ah ben justement, on fait un podcast festival à Amsterdam et on a cette problématique là et ça nous intéresse, est-ce que tu voudrais pas venir parler de ça? Et donc je suis allé parler au festival le podcast d’Amsterdam de cette fonctionnalité là.

Donc il y avait une vraie demande aussi. Donc en général, mais ça marche un peu pour tout, c’est pas propre à notre organisation, à notre mode de fonctionnement, on parle de projets open source en plus, ce qui est le plus demandé a le plus de chances de voir le jour rapidement. Et puis de toute façon en définitive il faut bien avoir pas un prix que Castopod open source si il ya une fonctionnalité de podcast 2.0 qui n’est pas implémentée et il y en a on n’implémente pas tout aujourd’hui n’importe qui peut la rajouter le code il est ouvert donc n’importe qui peut rajouter ce qui manquerait et puis il y a des choses aussi ou parce que Castopod évolue beaucoup d’une version sur l’autre, il y a des modifications qui sont faites, que ce soit des modifications invisibles ou des modifications visibles, que ce soit dans la partie administration ou dans la partie publique, il y a beaucoup beaucoup d’évolutions qui ont lieu et ça c’est pareil, il y a des gens qui contribuent et qui vont modifier telle ou telle chose. Toutes les bonnes volontés sont bienvenues.

Walid : Ça on va reparler après de la la partie communautaire. Mais Yassine?

Yassine : je peux ajouter sur quand est-ce qu’on implémente les nouvelles fonctionnalités podcasting 2.0.

Quand on a commencé Castopod, Podcast Index qui est venu en même temps, Podcasting 2.0 aussi. Alors les premières balises, elles étaient quand même ultra intéressantes et il y avait beaucoup à faire. Donc on les a rajoutées dès qu’elles venaient, on les sortait sur Castopod, on était parfois même les premiers à le faire.

Yassine Doghri

Et là, au fur et à mesure que Castopod arrive à maturité, on doit faire des choix à plus de stabilité, faire des choix de… même des fonctionnalités qu’il y a sur Podcasting 2.0. Certaines, on ne les a pas implémentées directement, et là, on se repose un peu plus sur la communauté pour faire des choix en termes de priorité, comme a dit Benjamin. Et voilà. Les fonctionnalités intéressantes qui nous avaient paru intéressantes au début, on les a pour toutes implémentées.

Cet épisode a été enregistré le 23 janvier 2024.

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Ce podcast est publié sous la double licence Art Libre 1.3 ou ultérieure – CC BY-SA 2.0 ou ultérieure. 

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